mardi 6 décembre 2011

Pauvre Ecole !

      Ceux qui se sont penchés sur tes symptômes, qui ont établi un diagnostique alarmant et qui proposent des prescriptions simples, mais efficaces, ne sont pas entendus. Pire, Jean-Pierre Chevènement, Jean-Paul Brighelli, Natacha Polony, ou Marc Le Bris sont catalogués vieux, réacs et/ou à droite ? Comme si les pédagogies de projets, évaluations de compétences et individualisation des parcours n'étaient pas le masque de gauche d'une philosophie néo-libérale.

     Pour en finir avec ses questions de latéralité qui paralysent notre réflexion et nos actions sur l'école, je pars d'une analyse ( pas si ancienne, car elle a mon âge, datant de 1979 ) du sociologue Mohammed Cherkaoui qui soulignait : "La rigueur de la sélection scolaire bénéficie paradoxalement aux élèves issus de milieux modestes". A tous les détracteurs de la méritocratie républicaine, à tous ceux qui préfèrent, faute d'arguments, brandir l'argument massue « d'être de droite », quel projet y a t-il plus à gauche que d'élever tout un peuple de sa condition d'origine - même la plus basse - au sommet ? Pourquoi, a-t-on si peur des idées de progrès, véhiculées par les philosophes des Lumières et les laisse-t-on être accaparées par la droite ( voire, et c'est un comble quand il s'agit d'idées républicaines, par l'extrême droite ! ) pour qu'un Français se sente tel un tyran face à la contrainte nécessaire qu'il impose à un enfant qu'il veut éduquer et instruire ? Faut-il rappeler la métaphore botanique de Rousseau sur l'éducation contraignante par un tuteur, douloureuse, mais émancipatrice, libératrice ? Oui, c'est une idée de gauche d'être ferme et sans concession en matière d'éducation, c'est être de gauche de défendre l'instruction de tous dans une institution publique exigeante, de permettre aux jeunes générations de profiter d'un ascenseur social méritocratique, donner les armes à de futurs citoyens pour conserver les acquis sociaux d'hier et de participer activement aux progrès de demain.

     Alors, à tous ceux qui n'ont pas encore l'esprit pollué par des dogmatismes empreints de bonne conscience, à tous ceux qui sont curieux d'ouvrir les yeux sur ce qui se passent réellement dans nos écoles aujourd'hui, à tous ceux qui souhaitent que l'école redevienne celle qui permet à chacun, d'où qu'il vienne, de devenir, au moins, un citoyen éclairé, à tous ceux qui croient en l'adéquation entre une nation d'avant-garde et un peuple instruit, lisez ceci.

     Aujourd'hui, l'école n'est plus celle qui respecte le savoir, mais celle qui est mue par la peur de braquer un enfant ( ou leur parent-électeur ), elle n'est plus celle qui écoute ses maîtres, mais "pensée" et dirigée par un lot de technocrates-comptables froids, cyniques et/ou incompétents car ignorant la situation ou, pire ( et au contraire ), par une poignée de pédagogistes inconscients ( ou avec des problèmes de conscience ) qui produisent des mesures nées dans la mièvrerie; mais les problèmes qui en découlent ne sont malheureusement pas innocents.

     Aujourd'hui, les profs de collège ( car je ne parle que de ce que je sais ) sont reconnus comme compétents s'ils ne font pas remonter les difficultés de leur classe, s'ils ferment les yeux sur les infractions au règlement intérieur ( voire aux lois républicaines ), s'ils ne demandent pas de conseils de discipline ( car le chef d'établissement est lui-même noté par le recteur sur la question, qui est lui-même soumis à l'évaluation du ministre ), s'ils élèvent artificiellement les résultats de leurs élèves, gonflant ainsi les chiffres de la réussite du collège et ne se souciant pas de ce que deviennent ses anciens élèves, s'ils ne s'opposent pas à une récompense lors du conseil de classe parce que "cet élève est gentil", s'ils s'agitent avec de multiples projets qui ornent davantage leur palmarès que remplissent le cerveau de l'élève, s'ils privilégient la sensibilisation à l'environnement plutôt que l'enseignement du Français, s'ils remplacent des profs absents quelque soit la matière ou la classe ( qu'ils ne connaissent pas ), s'ils cumulent des heures supplémentaires, s'ils évaluent le niveau informatique de leurs élèves, s'ils évaluent par compétences et non par notes ( c'est vrai que le système binaire acquis/ pas acquis est plus simple qu'une évaluation graduée de 20 points ), s'ils valident en masse les compétences de tous les élèves au cours du collège, s'ils restent devant leur ordinateur à passer entre les bugs informatiques de l'espace numérique de travail où ils doivent remplir le cahier de texte électronique, le bulletin de notes et d'appréciations électronique, réserver la salle informatique… J'arrête.
Avec mes réprimandes aux élèves, mes mots pour les parents, mes rapports, mes doléances ( que dis-je mes supplications ) au chef d'établissement, mes feutres de tableau à mendier à l'intendant, les devoirs de mes élèves à vérifier, mes cours à concevoir, mes fiches de révision à créer, photocopier, distribuer, mes contrôles à préparer, les copies de mes 150 élèves à corriger cinq à sept fois dans le trimestre, l'énergie déployée à leur faire comprendre et retenir des notions historiques, géographiques et … civiques, et surtout avec ma conscience professionnelle, citoyenne et morale, je ne suis pas un bon professeur.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire